COVID RESPONSE : Comment tirer parti des opportunités que la crise engendrera ?


8,000 Milliards de $ de plans de relance annoncés à la date où nous rédigeons cet article, des consommateurs qui ont plus changé en 3 mois qu’au cours des 3 dernières années, des nouveaux critères d’achat qui apparaissent également dans le BtoB, des entreprises qui se retirent de certains marchés et d’autres qui vont déposer le bilan, des opportunités de rachat d’entreprises, une accélération des réseaux courts et une adoption accélérée de la digitalisation : le Covid-19 rebat beaucoup de cartes et ce mouvement peut créer des opportunités pour votre entreprise.

A vous d’en tirer le meilleur parti en fonction de vos propres possibilités, de votre organisation dans cette phase de rebond qui s’amorce, mais également d’explorer les possibilités que vous pourriez créer en vous associant avec un ou des partenaires (une autre entreprise exportatrice, un investisseur, un fournisseur clé, un distributeur, etc.).

 

Analyse

Les facteurs de création d’opportunités

Les mouvements rapides et profonds sur les marchés, les acteurs et les technologies créeront de nombreuses opportunités. Voici une liste de mouvements à suivre :

– Les pays, les secteurs, les réseaux de distribution vont être très différemment impactés, avec des croissances par poche qui coexisteront avec des récessions très violentes dans certains secteurs, certains réseaux de distribution, certains pays peut-être même, et des mouvements en stop en go feront que certaines reprises s’épuiseront immédiatement ou que certains secteurs à l’arrêt se mettront soudain à repartir. Les financements publics et plans de relance seront des déterminants clés de ces évolutions (et des phénomènes de stop and go).

– Vos clients, distributeurs et agents vont probablement être diversement impactés, même au sein d’un même secteur et d’un même pays : certains survivront, d’autres pas, certains seront repris par d’autres entreprises, qui imposeront leurs propres fournisseurs, etc.

– Vos concurrents vont également être diversement impactés : certains se retireront de certains marchés export faute de pouvoir soutenir les investissements marketing et d’animation pour s’y maintenir ; d’autres sortiront complètement de l’arène, ou seront repris et absorbés. 

– Vos fournisseurs qui pourront être selon les cas non-réactifs (entraînant ainsi des ralentissements dans vos approvisionnements), ou en situation de risque ou encore s’avérer être des partenaires stratégiques pour votre maintien ou reprise d’activité. Selon leur poids et leur place dans votre chaîne de valeur leur trajectoire peut vous amener à repenser durablement votre chaîne de valeur, envisager des rapprochements stratégiques avec certains d’entre eux, identifier d’autres partenaires fournisseurs français ou européens ou prendre la main localement sur certains marchés, en disposant à terme de ressource industrielle locale. 

– Les innovations marketing et technologiques qui risquent de se multiplier, créant des disruptions durables dans le marché, alimentés par les rapprochements accélérés entre entreprises qui décideront de coopérer davantage (GE-start up, PME entre elles, producteurs-distributeurs, etc.) et par davantage d’argent public injecté dans la recherche (publique privée).

– L’accélération de la transformation digitale liée au Covid-19 qui va également rebattre les cartes des différents secteurs, permettant l’accès à de nouveaux réseaux, de nouveaux canaux de prospection, mais également de nouvelles manières de regarder la chaîne de valeur (par exemple en abordant les modes d’entrée immatériels : licence de production, location de savoir-faire, commercialisant de fichiers pour imprimer des pièces sur des imprimantes 3D, etc.).

Comment accéder à ces opportunités ?

Différentes solutions vous permettent d’accéder à l’information sur les opportunités et aux acteurs qui peuvent vous aider à en tirer parti :

– Les réseaux professionnels qui se renforcent : associations, clubs d’entreprise, fédérations professionnelles, pôles de compétitivités se mobilisent dans la crise et doivent devenir des vecteurs de collecte et de partage des opportunités sur les marchés.

– Les entreprises elles-mêmes, qui en temps de crise sont plus ouvertes à des coopérations : leur approche directe pour des partenariats win-win peut être reçue positivement car dans une période de forte tension les solutions audacieuses sont les bienvenues, y compris celles qui impliquent du partage de risque.

– Le digital s’installe, les modèles de travail changent, les salons digitaux apparaissent et les modes de prospection se transforment, qui permettent d’être présent partout sans se déplacer, et donc d’être beaucoup plus proactif en terme de prospection ; le monde devient encore plus horizontal car les visioconférences écrasent toutes les distances. 

– Un nouveau type d’organisation export se prépare, construit sur d’avantage du digital (documents partagés, visio-conférences, vente en live streaming) et sur un recours accru aux « agents de liaison » pour créer de la confiance ; cette nouvelle organisation amène à repenser la gestion de la relation avec les clients (reporting, négociations, formation, SAV, etc.), les agents et distributeurs (coaching, formation, etc.), voire les prospects (qualification des partenaires, engagement, démonstration des produits, etc.), mais également la veille, le suivi des indicateurs de  marché, etc. Par corollaire les profils de poste des équipes export devront évoluer pour réaliser ces nouvelles tâches.

 

Recommandations

Les opportunités organisationnelles 

La première des recommandations pour tirer parti des opportunités de ce monde instable est clairement de consolider ses positions actuelles mais également de diversifier ses risques en s’ouvrant à davantage de pays :

  • en ancrant davantage de vos ressources propres sur vos marchés les plus profitables, pour minimiser les aléas qui seraient dus aux partenaires locaux ;

  • en utilisant au contraire, dans les pays où vous êtes moins profitables, des modes d’entrées légers qui permettent une entrée (et, le cas échéant, une sortie) rapide : exportation par des agents, distributeurs, vente sur les places de marché, etc. 

Ce redéploiement géographique sur un territoire plus large se fera probablement en s’alliant avec davantage de partenaires que par le passé : 

  • des partenaires qui disposent la connaissance marché-pays : agents, agents de liaison, distributeurs, commerciaux basés localement, industriels locaux, etc. ;

  • des partenaires qui maîtrisent certains modes d’entrée particuliers : vente en ligne, franchise, accords de licence, etc. ;

  • des confrères de votre secteur qui renforceront votre capacité (conjointe) à suivre et vous projeter dans davantage de marchés : entreprise exportatrice qui mutualise le risque commercial, entreprise disposant déjà d’une présence dans le pays cible qui mutualise ses vecteurs commerciaux avec vous, etc.

Les opportunités commerciales de marché

Comment entrer ou se renforcer sur un marché qui semble évoluer favorablement (= opportunité à saisir à court terme) ?

Exemple : un marché/secteur bénéficie d’une relance de la demande par les  autorités publiques dans un pays, ou bien un concurrent est en difficulté et se retire d’un marché, ou bien un marché bénéficie d’un effet de rattrapage suite au confinement. Comment être très vite plus présent sur ce marché pour tirer parti de cette opportunité ?

– Comment l’identifier ? 

  • par son réseau : les fournisseurs, les clients, les distributeurs et les agents, etc.

  • par la veille sur les marchés : sectorielles, et concurrentielle.

– Comment l’analyser ?

  • chiffrer l’espérance de gain : taille du marché et rentabilité, ROI.

  • évaluer sa capacité d’exécution commerciale et marketing pour en tirer parti : en propre ou avec des partenaires.

  • bien définir les risques : financier (mise de fond, investissements et financements requis), géographique (terrain mouvant), etc.), réglementaire, etc.

– Avec qui s’associer ?

  • avec des partenaires qui partagent le risque commercial : agents, distributeurs, sociétés de commerce international, société d’accompagnement qui travaillent aux success fees, places de marché digitales, sociétés françaises déjà présentes commercialement sur le marché visé, etc.

  • avec des partenaires qui peuvent partager le risque financier : distributeurs, sociétés de commerce international, franchiseur/franchisé, partenaires industriel travaillant sous licence, investisseurs publics et privés.

  • avec des partenaires qui réduisent votre risque d’exécution : experts marketing, juridique, etc.

Sur ces bases il est plus facile de prendre des décisions, même à distance et sans se rentre forcément soi-même sur place, mais en réunissant des expertises et des avis des tiers de confiance pour pouvoir décider du GO/NOGO au plus vite pour tirer parti de l’opportunité.

C’est en effet grâce à la constitution d’équipes projet réunissant des compétences internes et externes que ce type de projection peut s’implémenter, par exemple avec une approche de ce type : 

1. Constitution d’un binôme marketing et commercial pour définir l’offre à mettre en avant et le canal de distribution.

2. Réunion d’un réseau d’expertises qui alimentera leurs actions.

3. Utilisation de moyens rapides à déployer pour être (davantage) présent sur le marché visé de façon très rapides, en utilisant surtout des vecteurs très faciles à déployer : forces commerciales externalisées basées dans le pays, de canaux de ventes e-commerce multipays, communication ciblée sur le pays au sein des réseaux sociaux, etc.

Les opportunités d’investissements dans des entreprises

Le même type de méthodologie peut s’appliquer, mutatis mutandis, à d’autres types opportunités comme par exemple les opportunités d’investissement dans des entreprises qui se retrouvent en situation fragile et cherchent à s’adosser à des partenaires industriels et/ou financiers ; c’est un cas qui va surement se présenter dans un peu tous les secteurs, et dans de nombreux pays.

Cela peut concerner tout type d’entreprises, y compris un concurrent, un distributeur ou un fournisseur.

Cela peut être l’occasion d’entrer sur des marchés/des métiers que vous ne maitrisez pas, c’est donc une étape très importante pour votre entreprise.

Dans ce genre de situation il ne faut surtout pas sous-estimer les risques : 

– L’erreur de discernement. Il se peut que la raison pour laquelle cette entreprise cherche à s’adosser à un repreneur tient non pas à la crise sanitaire, mais à une offre ou un positionnement en fin de vie, qui serait trop difficile à redresser, les clients s’en détournant plus vite que vous n’arriverez à infléchir l’offre ou le positionnement.

– Le risque d’un phénomène de fuite en avant, où les difficultés de la cible viendraient se conjuguer à l’instabilité de la situation de votre entreprise, créant ainsi un risque systématique pour cette dernière.

– Le biais d’analyse, concernant spécifiquement les distributeurs qui auraient une dette vis à vis de l’exportateur, qui consiste à décider de reprendre le distributeur pour se faire payer sa créance, ce qui s’avère en général une fausse bonne idée.

Les opportunités de nouveaux projets de R&D

De nombreux plans de relance par l’offre incluent des dispositifs de stimulation de la R&D : un programme de recherche/dispositif d’innovation lancé par des acteurs publics, une grande entreprise cherche des partenaires pour renforcer sa R&D. Ils constituent autant d’opportunités pour diversifier sa R&D. 

Par ailleurs la crise amène les opérateurs de la R&D à (i) s’ouvrir à davantage de coopération,  pour partager les risques et augmenter les compétences, par exemple entre PME mais également entre grandes entreprises et start up, etc., et (ii) à une plus grande frugalité des dispositifs de R&D (des projets R&D plus compacts pour limiter les risques).

C’est donc une période intéressante qui s’ouvre pour votre R&D, qui doit être en alerte des opportunités et les saisir avec la même rigueur que les processus décrits pour les opportunités commerciales et d’investissement.

 

Exemple de stratégies gagnantes

Exemple d’investissement dans un distributeur essentiel

L’entreprise A apprend que trois commerciaux de son distributeur ASEAN basé à Singapour ont été remerciés ces dernières semaines. Ses ventes au Vietnam, à Singapour et en Malaisie sont en risque. Cependant les clients de son distributeur sont fiables avec des commandes régulières depuis ces 3 dernières années. Une étude de notoriété, réalisée par un conseil export basé sur place et mandaté par l’entreprise A, rassure sur l’appréciation de ce distributeur par ses clients. Le problème que rencontre de ce distributeur est principalement financier, il provient d’un manque de trésorerie qui résulte de 3 mois d’inactivité totale. Si ce distributeur tombe, le positionnement stratégique de l’entreprise A en ASEAN sera remis en cause durablement. En 2 mois, après avoir nommé son contrôleur de gestion en binôme avec son directeur international sur ce projet, le comité stratégique de l’entreprise A et ses actionnaires approuvent une stratégie d’acquisition : une montée au capital progressive pour rassurer les clients sur la zone et garder l’équipe commerciale du distributeur. N’ayant aucune possibilité de me déplacer, le dossier est verrouillé grâce à l’aide du conseil export de l’entreprise A qui, basé sur la zone, coordonne avec le binôme de l’entreprise, le dossier de Due Diligence et les négociations avec les actionnaires du distributeur. 

 

Pour Approfondir

Consultez également le thesaurus général “COVID & BUSINESS INTERNATIONAL”
https://docs.google.com/document/d/14zEjylF1-vBYBVi8al56h3jHvDIcNsQozZwmOPGMeMo/edit 

Saisir les opportunités de la crise
https://www.xerficanal.com/business/emission/Nicolas-Pette-Saisir-les-opportunites-nees-de-la-crise_3748862.html

 

Pour enrichir cet article

Si vous voulez enrichir cet article n’hésitez à nous écrire avec vos suggestions d’amélioration: delegue-general@fabrique-exportation.fr

 

Crédits et remerciements

Ce texte est une production du groupe de travail « Réfléchir aux nouvelles approches de l’export » animé par La Fabrique de l’Exportation dans le cadre du Groupe « Solutions pour l’Exportation » auquel ont participé l’Adepta, BPI France, Business France, les CCE, CCI France, CCI France International, ICC France, La Fabrique de l’Exportation, MEDEF, MEDEF International, l’OSCI et Stratexio dès le début de la crise du Covid-19. Les droits d’édition et de reproduction de ce texte sont réservés à ces organisations.

Ces textes ont été rédigés grâce aux contributions de Renaud Bentégeat, Chloé Berndt, Emmanuelle Butaud-Stubbs, Omar Boulenouar, Stéphane Boulet, Cécile Boury, Charafa Chebani, Jean-Paul David, Bogdan Gadenne-Feertchak, Philippe Gautier, Jean-Christophe Gessler, Michelle Grosset, Sophie Guichard, Christophe Hery, Stéphanie Le Dévéhat-Picqué, Fabrice Le Saché, Boris Lechevalier, Arnaud Leurent, Rémy Maréchal, Charles Maridor, Frederic Rossi, Gaël Sabbagh, David Séjourne, Etienne Vauchez.

 

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