S’internationaliser via une stratégie tête-de-pont



Certaines entreprises choisiront de s’implanter dans un pays pour assurer ou faciliter la réexportation de leurs produits vers des marchés tiers voisins. Voilà ce qu’on nomme une stratégie tête de pont. Noémie Dominguez, maître de conférences à l’IAE Lyon 3, s’est penchée sur cette question en étudiant en détail les stratégies d’internationalisation de cinq PME manufacturières de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
 
Nombre de PME hésitent à se lancer à l’international car elles jugent l’aventure coûteuse et risquée. D’aucunes, en revanche, sortent du lot : les « micro-multinationales » qui engagent des ressources importantes pour créer une ou plusieurs filiale(s) à l’étranger et ainsi réduire leur ticket d’entrée sur des pays tiers régionaux.

Pourquoi les PME recourent-elles à ce type de stratégie ?

Les raisons sont variées, tout comme les localisations choisies. Certaines sont communes à toutes les PME étudiées : accélérer l’internationalisation et développer ses réseaux. En se rapprochant de leurs clients internationaux, les PME accèdent à de nouveaux clients sur les marchés des pays voisins. La réduction de la distance est aussi un critère important pour les entreprises qui exportent du matériel lourd ou ont besoin d’être disponibles, voire accessibles 24h/24 pour leurs clients.
D’autres motivations sont plus spécifiques. Ainsi, le type de filiale créée (ex. : purement commerciale ou de production) peut être associé à l’objectif visé, comme par exemple, apprendre du marché et internationaliser l’entreprise ou alors réaliser des économies d’échelle et diminuer les risques en répartissant la production sur plusieurs sites.

Il existe également des différences selon le degré d’internationalisation de l’entreprise. Certaines, dites « traditionnelles », qui n’exportaient pas jusqu’alors, utilisent cette stratégie de manière défensive, en riposte à une concurrence étrangère qui s’attaque à leur marché domestique. D’autres, qualifiées de « pluri-marchés » veulent surtout réduire les risques. Enfin, d’autres PME « fortement internationalisées », réalisant l’essentiel de leur chiffre d’affaires à l’étranger mais dans un nombre très limité de pays, ont pour premier objectif de contourner les barrières à l’entrée de certaines zones de libre-échange et d’exploiter les accords multilatéraux

Quelles sont les différentes étapes de déploiement de ces stratégies ?

L’élément déclencheur est souvent exogène : des exportations sporadiques ou la réception de commandes non sollicitées qui témoignent de l’existence d’opportunités hors frontières. S’ensuit l’étude des marchés cibles, intégrant la collecte d’informations sur le potentiel et les risques du marché (et notamment sur les barrières à l’entrée), l’identification des clients ou des partenaires potentiels, puis le choix des activités ou opérations à mener localement. C’est phase est d’autant plus critique que l’entreprise doit identifier les composantes ou opérations à forte valeur ajoutée qu’il vaut mieux conserver au siège… C’est souvent aussi une période de tension interne sur fond de crainte de délocalisation et de fuite du savoir-faire.
La troisième phase concerne l’harmonisation et la formalisation des procédures. Elle commence par l’harmonisation des systèmes d’information (ERP, CRM) qui permettra au siège de contrôler plus efficacement les activités de sa filiale.
La quatrième phase correspond à l’augmentation de l’engagement dans les pays tête-de-pont, notamment pour le contrôle de la qualité et la construction d’une image globale : il s’agit de s’assurer que les filiales affichent le même niveau de qualité que le siège. Cette phase se déploie selon quatre axes : certification technique des filiales par le siège ; diversification de l’activité des filiales et création de services pour renforcer les relations avec les clients ; formation des ressources humaines, au siège et au niveau des filiales ; recrutement dans les pays tête-de-pont. Autant d’étapes qui vont permettre à la PME de consolider ses filiales et réseaux au sein des pays tête-de-pont et des pays cibles.

La Fabrique de l’Exportation

Retrouvez la vidéo-présentation de la réunion animée par Noémie Dominguez, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, et Ulrike Mayrhofer, Professeur des Universités en Sciences de Gestion de l’IAE Lyon : comment choisir les bons modes d’entrée à l’international ?