Quelles sont les stratégies suivies par les nouveaux exportateurs ?



Comment les entreprises exportant pour la première fois vont-elles se développer au cours des années suivantes ? Eléments de réponses fondées sur les travaux de Vincent Vicard, économiste au CEPII.

1. Le turnover est violent, mais y survivre paie

Sur une année donnée (2002), sur un total d’un peu moins de 110 000 entreprises exportatrices répertoriées par les douanes, environ 43 000 exportent pour la première fois. Celles-ci ne représentent alors ensemble que 2% de la valeur des exportations françaises, et 80 % d’entre elles n’exporteront plus l’année suivante.
Mais parmi ces « primo-exportateurs », quelques milliers de « survivants » seront toujours présents sur les marchés d’exportation dix ans plus tard, et pèseront alors ensemble plus de 20 % du commerce extérieur français. Malgré un fort taux d’échec, les nouveaux exportateurs représentent donc les exportations du futur.

2. Face à l’incertitude des marchés, il y a un avantage aux « pessimistes » ?

L’incertitude sur la demande adressée et l’anticipation des ventes joue un rôle important dans le turnover.
L’analyse des données fait en effet apparaître des entreprises que l’on peut qualifier de « trop optimistes » et d’autres de « pessimistes » ; les « trop optimistes » ont une demande adressée inférieure à celle qu’elles avaient anticipé. Parmi celles-ci, certaines vont sortir du marché et d’autres vont rester en baissant leurs ventes. En effet, sur un marché donné, on constate que 40 % des entreprises, tout en restant sur ce marché, vendent moins au bout de dix ans qu’au moment de leur entrée. A l’opposé, on trouve des entreprises que l’on peut qualifier de plus « pessimistes » : elles font face à une demande plus importante qu’anticipée. Ce sont ces dernières qui vont développer fortement leurs ventes sur ce marché.

3. L’importance du facteur apprentissage dans un monde incertain

Les chiffres font également apparaître que le développement des exportations sur un marché nécessite d’y être présent pendant plusieurs années sur ce marché. C’est le temps de l’apprentissage nécessaire pour mieux connaître le marché et mieux appréhender la demande.
On constate aussi que les entreprises qui augmentent leurs ventes sur un marché ont tendance parallèlement à se diversifier sur de nouveaux marchés. L’information obtenue sur un marché va en effet servir sur un autre marché proche. La réussite sur un marché va donc avoir une influence sur la réussite sur d’autres marchés.
La capacité d’apprentissage joue donc à deux niveaux comme un facteur clé de succès.

4. La carte de la diversification

Le lien entre apprentissage et diversification des exportations est important. On observe des stratégies séquentielles : les nouveaux exportateurs se diversifient progressivement en augmentant le nombre de produits et de marchés à l’exportation. Ils commencent en moyenne à exporter entre un et deux produit(s) sur un ou deux marché(s) et au bout de six ans, ils exportent en moyenne huit produits vers six destinations.

5. La bonne gestion des échecs, partie intégrante d’une stratégie gagnante

En réalité, l’augmentation nette du nombre de destinations intègre aussi des retraits sur certains marchés. Des échecs qui constituent également une composante importante de la dynamique des entreprises sur les marchés d’exportation. En moyenne, une entreprise va chaque année ajouter deux pays et supprimer 1,5 pays. Et on observe le même type de processus pour le nombre de produits exportés. Il faut donc analyser, comprendre, gérer ses échecs, car ils sont consubstantiels à la démarche d’exportation ; et les limiter car on constate également que les entreprises qui échouent à l’exportation vont connaître un risque de faillite plus important à terme.

La Fabrique de l’Exportation