Exportation indirecte


Exportation Indirecte


Au cours de notre réunion de travail du 8 octobre nous avons cherché à mieux définir les notions d’exportation indirecte et de Société de Commerce International (SCI), l’exportation indirecte étant entendue comme l’exportation via une SCI.
Nous avons montré que la mise en place d’une politique d’exportation indirecte (sur un ou plusieurs pays) était une forme d’externalisation, qui devait faire l’objet d’une analyse avantages/inconvénients pour choisir entre réalisation interne ou externalisation.
Nous avons ensuite mis en évidence les avantages de l’exportation indirecte :

  • Diminution du risque d’échec commercial en utilisant la confiance dont dispose la SCI,
  • Diminution du droit d’entrée sur le marché (durée et de coût de prospection),
  • Partage du risque financier avec la SCI.

Mais il nous a surtout semblé important de mettre en évidence l’avantage pour un exportateur à travailler avec une SCI française pour exporter dans un marché nouveau : pas de barrière culturelle à gérer par l’exportateur français, exécution du contrat facilitée.
Nous avons aussi analysé les risques habituellement associés à l’exportation indirecte, en commençant par la perte supposée de contrôle sur le marché et les ventes. Nous n’avons pas développé ici le coût d’une SCI, sujet qui devra être repris lors d’une ultérieure réunion.
Enfin nous avons voulu lister et décrire les tâches susceptibles d’être déléguées à une SCI, pour aider un exportateur à faire plus facilement l’arbitrage entre exportation directe et exportation indirecte ; cette liste (et le choix pour chacune d’elles entre réalisation en propre et externalisation) permettra à un exportateur de préparer efficacement une négociation (et son contrat) avec une SCI.


Sommaire

  1. L’exportation indirecte est une forme d’externalisation
  2. Avantages et risques associés à l’exportation indirecte
  3. Comment organiser une exportation indirecte sur un marché

Annexe : qu’est ce qu’une Société de Commerce International (SCI) ?


 

1. L’exportation indirecte est une forme d’externalisation


L’externalisation s’applique à des sujets très larges et diversifiés : le transport et la logistique, la fabrication de composants, de sous-ensemble, voire de l’ensemble du produit, le stockage de données, la tenue de comptabilité, la stratégie de l’entreprise, la communication, la réalisation d’une stratégie web, la maintenance informatique, etc.

a) Externaliser ou réaliser en interne : une question constante pour les entreprises

Quelque que soit le domaine l’arbitrage entre réalisation en interne et externalisation repose toujours sur les mêmes questions :

  • l’entreprise a-t-elle le savoir-faire nécessaire pour bien réaliser cette tâche ?
  • si oui : la réalise-t-elle mieux / à moindre coût qu’un partenaire extérieur ?
  • si non : peut-elle obtenir ce savoir-faire mieux / à moindre coût qu’un partenaire extérieur ?
  • le fait de sous-traiter une tâche constitue-t-il un risque stratégique pour l’entreprise ?
  • le fait de maitriser cette tâche en interne augmente-t-il la valeur pour l’entreprise ?

 

b) L’exportation indirecte est l’externalisation de la vente sur un ou plusieurs pays

On a souvent vu l’exportation indirecte comme une simple relation transactionnelle au terme de laquelle l’exportateur vend le produit à la Société de Commerce International qui le revend. En fait l’exportation indirecte est de plus en plus une relation délégationnelle au sein de laquelle l’exportateur délègue certaines tâches bien spécifiques à la SCI.
Par exemple lorsque de grandes sociétés confient la distribution de leurs produits à des SCI il s’agit de tout sauf d’une simple cession de produits ; le contrat peut prévoir que ces sociétés continuent à s’occuper du marketing, de la relation avec les prescripteurs, etc. La SCI s’occupant de mettre en place et de gérer la force de vente, de livrer les clients, du SAV, du recouvrement, etc.

c) Un exportateur doit choisir pour chaque pays entre exportation directe et indirecte

Une relation exportateur / SCI dépend donc de ce que les deux parties conviendront comme meilleure répartition des tâches entre elles.
C’est une question que l’exportateur doit se poser pour chaque pays cible, car la réponse risque d’être différente pour le Nigéria et pour la Belgique ; les deux modèles d’exportation directe et indirecte peuvent parfaitement cohabiter au sein du portefeuille de marchés que gère l’exportateur.

2. Avantages et risques associés à l’exportation indirecte


Le choix entre exportation directe et indirecte se fait plus précisément entre :

  • exportation (directe) via une force de vente en propre (filiale commerciale),
  • exportation (directe) via la force de vente d’un partenaire local (distributeur dans pays cible),
  • exportation (indirecte) via une SCI française spécialiste du pays ciblé.

 

a) Quels avantages par rapport à une filiale commerciale ?

Dans ce cadre l’exportation indirecte présente les avantages spécifiques suivants :

  • Le risque d’échec commercial est diminué : du fait de la connaissance du pays, de la répartition optimisée des tâches entre exportateur et SCI, d’une facilité plus grande pour la SCI à acquérir la confiance des interlocuteurs, de la diminution du risque interculturel ; enfin une SCI opérant sur un marché aura plus de chances d’y recruter de bons vendeurs qu’un exportateur qui y démarre.
  • Le droit d’entrée sur le marché plus faible : l’énergie et l’argent à affecter pour la conquête d’un marché via l’exportation indirecte est plus faible qu’avec l’exportation directe. Ceci permet d’aborder des marchés intéressants mais qui seraient trop difficiles en exportation directe soit parce qu’ils sont trop compliqués, soit parce que les ressources export de l’entreprise sont entièrement concentrées sur d’autres pays prioritaires ;
  • Le risque financier est partagé : les deux parties partagent les risques de lancement de l’action commerciale, du besoin en fonds de roulement (BFR) consécutif au financement de la prospection parfois longue, de recouvrement des sommes dues par les clients, etc.

 

b) Quels avantages par rapport à un distributeur local ?

Dans ce cadre l’exportation indirecte présente les avantages spécifiques suivants :

  • L’absence de barrière culturelle : la collaboration commerciale s’effectue dans entre français, dans une compréhension plus rapide et plus efficace qu’avec un distributeur local ; dans le cas de l’exportation indirecte c’est donc la SCI qui gère la « frontière culturelle ».
  • Un contrat exécutable : la SCI et l’exportateur choisissent ensemble le droit dans lequel il convient de placer leur contrat : le droit français, ou toute autre solution qui permette à la SCI d’aligner ses engagements aval avec ses clients et ses engagements amont avec ses fournisseurs. Ceci permet mieux l’exécution du contrat que le droit local d’un pays où l’Etat de droit serait encore en devenir.

Mais pour que ces arguments vaillent il faut que la SCI présente les mêmes forces que le distributeur local, notamment en matière de performance de sa force de vente.

c) La délégation des ventes à une SCI entraine-t-elle par nature une perte de contrôle ?

On considère usuellement que la délégation de la commercialisation (à une SCI, à un distributeur local) entraine un risque de perte de contrôle de l’activité commerciale.
Il faut d’abord souligner que ce risque n’est pas nul dans le cadre d’une filiale, la délinquance économique dans les filiales étant malheureusement fréquente (Cf. affaire Caddie en Chine) ; nous mélangeons en fait souvent propriété et contrôle ; la propriété de la filiale commerciale rend moins méfiant, le risque est donc plus important ; le partage des responsabilités avec la SCI ou le distributeur local met davantage en alerte et le contrôle un sujet évidemment à organiser.
Ensuite il faut dire qu’on ne perd le contrôle que lorsque l’on accepte de le perdre. Pour s’assurer le contrôle il faut définir les termes du monitoring et de l’incentive de la SCI, et lister ce sur quoi l’exportateur doit absolument garder le contrôle. Par exemple, quand L’Oréal confie la commercialisation de ses produits à des SCI, elle garde toujours le contrôle de la publicité. Comme dans tout processus de cooperative selling la solution est souvent de partager les coûts des dépenses marketing pour mieux en garder le contrôle (salons, visites de clients clés, relations prescriptrices, catalogues et sites web, etc.).

d) Quels sont les problèmes recensés sur les collaborations exportateur / SCI ?

Nous pouvons lister a priori les problèmes suivants :

  1. La SCI ne respecte pas certains termes du contrat, comme par exemple le reporting, ou le marketing conçu par l’exportateur, etc. C’est un risque qui existe encore davantage avec un distributeur local, lequel peut bénéficier d’un contrat en droit local moins facile à faire complètement exécuter.
  2. La SCI revend sur d’autres segments de marché dans son pays, voire dans d’autres pays (grey marketing). Le grey marketing est parfois irrépressible juridiquement. Mais ce risque existe autant sinon davantage avec un distributeur local, il n’est donc pas spécifique de l’exportation indirecte. Il existe même entre filiales de groupes, lesquelles n’hésitent pas à empiéter sur le territoire de leurs voisins pour atteindre leurs objectifs commerciaux. En tout état de cause les volumes de réassort et le reporting sur les ventes permettent de voir en grandes masses s’il y a du grey marketing ou non.
  3. Après quelques années l’exportateur trouve que la SCI bénéficie d’une rémunération trop élevée. La solution est à trouver dans l’architecture du contrat, en permettant un amortissement de l’apport initial de la SCI. Ce point est développé plus loin, dans le paragraphe 3b).
  4. Le recours à une SCI est trop cher. Le coût de la SCI doit néanmoins être mis en regard du coût total d’une prospection de marché réalisée en interne.

 

3. Comment organiser une exportation indirecte sur un marché ?


 

a) Lister ce qui doit être délégué / conservé en interne

Se poser la question de qui de l’exportateur ou de la SCI fera au mieux les tâches suivantes :

  • Recrutement, encadrement et dynamisation de la force de vente dans le pays,
  • Formation de la force de vente,
  • Définition de la politique marketing sur le pays, dont le pricing,
  • Réalisation des outils marketing pour le pays,
  • Veille innovation et marché,
  • Propriété de la marque, image,
  • Promotion de l’offre commerciale,
  • Logistique et dédouanement (pré et post-acheminement),
  • SAV, contrôle qualité des produits mis en marché,
  • Réception des paiements et recouvrement, risque de change,
  • Autorisations réglementaires de mise en marché (le cas échéant),
  • Compliance locale en terme juridiques, fiscaux, sociaux, réglementaires, etc.

 

b) Définir un business model durable pour la relation

Les parties doivent s’entendre sur le business model de leur relation d’affaires (honoraires, commissions, achat / vente), faire en sorte qu’il permette aux deux parties de gagner de l’argent, et s’arranger notamment pour qu’il soit pérenne.
Les problèmes entre exportateurs et SCI naissent en effet souvent de l’asymétrie des apports respectifs dans le temps : au début de la collaboration la SCI connaît le marché alors que l’exportateur ne le connaît pas, c’est donc la SCI qui fait l’apport le plus significatif au début de la collaboration ; après quelques années, en cas de succès, l’exportateur connaît désormais bien le marché et peut avoir tendance à considérer que les commissions ou marges de la SCI ne sont plus acceptables.
Une réflexion doit s’engager pour imaginer des contrats exportateurs / SCI suffisamment flexibles, qui permettraient par exemple de valoriser (et d’amortir dans le temps) l’apport initial de la SCI, de sorte que :

  1. La SCI ait le sentiment que son apport initial a été bien valorisé et payé sur 3 à 5 ans,
  2. L’exportateur ne paie pas éternellement son droit d’entrée initial.

De tels contrats inciteraient mieux les parties à coopérer et à partager leur information.


Annexe : qu’est-ce qu’une Société de Commerce International (SCI) ?


 

a) Deux différents business model : agent et négoce

On peut distinguer deux formes de SCI selon leurs business models :

  1. des sociétés de négoce qui achètent et revendent le produit (ou service). En anglais, on appelle ces sociétés Trading Companies ;
  2. des agents qui commercialisent le produit (ou service) et facture une commission, aussi appelé Société de Gestion Export. En anglais, on appelle ces sociétés des Export Management Companies.

En réalité une relation exportateur / SCI inclut parfois, en plus de ces deux modèles de rémunération, un modèle d’honoraires définis selon la nature des tâches qui sont déléguées (notamment si des travaux marketing sont délégués en surplus des tâches de commercialisation).

b) Une tentative de définition unifiée : la frontière de la confiance

On voit donc qu’une SCI peut facturer des honoraires, des commissions et/ou acheter et revendre le produit. On ne peut pas définir une SCI par un business model. De même, dans le cas d’un distributeur dans le pays cible, on ne parlera pas de SCI et d’exportation indirecte, mais d’exportation directe avec un client qui est le distributeur.
Pour trouver une définition unique on peut tenter de définir une SCI par une société qui permet à un exportateur de vendre dans un ou plusieurs marchés tout en faisant l’économie de l’investissement dans l’acquisition de la connaissance pays. Ainsi vendre en Allemagne via un agent français est une forme d’exportation indirecte, alors qu’utiliser un agent allemand pour vendre en Allemagne est une exportation directe.
La collaboration à l’origine de l’exportation indirecte apparaît bien dans cette définition : l’exportateur apporte sa connaissance PRODUIT et la SCI sa connaissance PAYS dans un partenariat commercial qui doit être gagnant-gagnant dans la durée.

c) L’importance des SCI dans le commerce mondial

L’exportation indirecte a été la forme première d’exportation. Ce fut même la seule forme d’exportation jusqu’à la fin du XIXème siècle ; les marchands européens du moyen âge, les comptoirs portugais, les compagnies coloniales hollandaises, anglaises et françaises étaient des SCI.
L’exportation directe s’est développée dans les grandes entreprises, et sur des régions du monde assez intégrées (commerce intra UE). Mais la plus grande partie des exportations des pays d’Asie sont effectuées par des SCI (Sogo shosha japonaises, équivalent coréens, chinois, etc.). Aux Etats-Unis les exportations réalisées par des Export Management Companies (EMC) représentent 15% des exportations U.S. ; si on ajoute les ventes via des sociétés de négoce on dépasse probablement les 50%. En Allemagne la démarche d’un exportateur en quête d’un nouveau marché est d’abord de le faire explorer par un agent export, avant d’y envoyer ses propres ressources export.
En France on considère que 100 à 120 Mrds d’exportation sont réalisées par des sociétés de négoce ; si on ajoute les ventes réalisées par des agents export français on avoisine les 30% d’exportations françaises réalisées par exportation indirecte.

d) Des exemples dans différents secteurs d’activité

On trouve des SCI dans des secteurs aussi variés que les produits agricoles (céréales, fruit et légumes, élevage, bois, etc.), les produits agroalimentaires (vin, champagne, fromage, épicerie fine, viande, etc.), les matériaux de construction (éclairage, matériel électrique, etc.), les produits pharmaceutiques, les produits chimiques, voire l’aéronautique, la mode, les prestations intellectuelles, la décoration, la mécanique et l’électronique, etc. Même le web a ses SCI, avec des sociétés qui gèrent de A à Z les ventes export de sites web.
Les SCI ont une prédilection pour les pays du grand export, là où la connaissance pays est plus difficile à acquérir. On connait le rôle des SCI sur l’Afrique (CFOA, SCOA, Descours et Cabaud, etc.), sur l’Amérique latine et en Asie. Mais on peut citer de nombreux exemples de sociétés françaises qui confient à des agents alsaciens le soin de gérer leurs ventes en Allemagne…

e) Comment trouver la bonne SCI ?

Il faut rappeler ici que les avantages de la SCI sont d’autant plus forte qu’elle est française ; il y a des espagnoles, suisses, belges, allemandes qui représentent des exportateurs français respectivement en Amérique latine, Afrique, Europe centrale et Asie centrale ; si ces SCI européennes présentent des avantages d’une SCI française elles laissent une barrière culturelle à la charge de l’exportateur ; on comprend aisément qu’il est plus aisé pour un exportateur français de prospecter l’Azerbaïdjan via une SCI française que via une SCI allemande.