Quel lien entre les systèmes de soutien à l’export et la performance des entreprises à l’international ?


Quelle est l’utilité des différents dispositifs de soutien à l’internationalisation des entreprises ? Éléments de réponse avec Olli Kuivalainen, professeur de marketing international à l’Université de technologie de Lappeenranta-Lahti (LUT) en Finlande.

Quels sont les objectifs des différents systèmes d’aide à l’exportation ?

Dans la plupart des pays, il existe différents dispositifs de soutien à l’internationalisation des entreprises. Ces programmes de promotion des exportations (Export Promotion Programs, EPP) sont mis en œuvre par des entités publiques, des associations professionnelles ou des consultants privés, pour aider les entreprises, en particulier les PME, à surmonter les obstacles liés à l’internationalisation et à réduire les effets négatifs des barrières à l’exportation. Ces dispositifs sont considérés comme cruciaux pour le succès des PME en raison de la concurrence intense, de la volatilité et de la complexité qui caractérisent les marchés internationaux.

On peut classer ces services dans différentes catégories. En général, les programmes sont axés sur les besoins de motivation, d’information et de soutien opérationnel des entreprises. La plupart des pays fournissent ainsi aux entreprises exportatrices un soutien motivationnel, une expertise en matière d’études de marché et une aide financière. Les problèmes posés aux entreprises dans la chaîne de décision de l’internationalisation concernent en effet le choix de se lancer ou non à l’export (problèmes de motivation, manque de savoir-faire export), les marchés (manque d’information sur les marchés export, manque de ressources, barrières spécifiques à certains marchés), la stratégie d’entrée sur le marché (obtenir une représentation appropriée, franchir les barrières à l’entrée) et le passage de la stratégie à la phase opérationnelle (problèmes liés au marketing, enjeux financiers, logistiques et opérationnels).

Que nous apprend la littérature académique sur le sujet ?

Il existe de nombreuses recherches sur ces services d’aide à l’export dans différents pays, en particulier sur le sujet des aides gouvernementales, qui sont les plus évaluées compte tenu des de l’importance des budgets publics en jeu. Il s’agit le plus souvent d’études de satisfaction des entreprises par rapport à ces services. Mais il est difficile de comparer les systèmes des différents pays car si les services proposés sont sensiblement les mêmes, leur qualité peut être très variable. Il existe donc une littérature abondante sur ces programmes d’aide à l’exportation mais les preuves empiriques de la valeur de ces programmes sont encore limitées. Il existe peu d’études, en particulier, sur les conséquences des programmes au niveau de l’entreprise et de ses performances à l’international.

On peut se demander en particulier si ces services – les mêmes pour tout le monde – peuvent vraiment répondre aux besoins individuels des entreprises et des managers. Sachant que le profil et le background des dirigeants sont différents, et que la taille et l’expérience des entreprises à l’international ne sont pas non plus les mêmes. Le stade d’internationalisation des entreprises – « new to export », « new to market » ou « more to market » – est en particulier une variable déterminante. En Finlande, par exemple, les systèmes de soutien à l’export sont segmentés en fonction de la taille et du degré d’internationalisation des entreprises.

Quelles sont les études que vous avez réalisées ?

Nous avons réalisé une étude sur la Finlande et deux études sur le Bangladesh, en analysant les services offerts, l’expérience et la satisfaction des entreprises utilisatrices, ainsi que les implications de l’aide à l’exportation sur les moteurs de la performance. La première est une étude qualitative sur la manière dont les entreprises finlandaises de logiciels sont soutenues aux différentes étapes du cycle de vie de leur internationalisation. Nous avons pu constater au passage que lorsqu’ils ont réussi à l’international, les dirigeants ont souvent tendance à oublier les aides et le soutien dont ils ont bénéficié ; par contre, ils en parlent plus volontiers en cas d’échec ou de mauvaise expérience avec ces services. 

Nous avons surtout pu remarquer qu’aux stades précoces de l’internationalisation, en phase de pré-démarrage ou de démarrage de l’activité internationale, les entreprises ont d’abord besoin d’informations (notamment sur la législation), de compétences internationales, et de clarifier leur stratégie de croissance et d’internationalisation. Pour répondre à ce besoin,  elles font souvent appel à des consultants extérieurs ; ce sont en effet ces derniers qui ont le plus d’impact dans ces premières phases, même si les systèmes d’aide publics sont également utilisés.

Dans les stades plus avancés de l’internationalisation (croissance et consolidation), l’utilisation de services de soutien est faible. Les entreprises préfèrent se tourner vers des consultants spécialisés sur les marchés cibles pour s’informer sur les questions d’ordre légal et réglementaire.

 

Les services gouvernementaux de soutien à l’exportation sont néanmoins jugés utiles pour évaluer le potentiel du marché et contribuer aux compétences et à l’expertise internationales des entreprises. Les impacts signalés dans les dernières étapes de l’internationalisation concernent la croissance de la notoriété des produits de l’entreprise sur le marché cible. Le système finlandais couvre tous les domaines majeurs du soutien (motivationnel, informationnel et opérationnel)… Mais nos résultats suggèrent que ces services sont considérés comme utiles uniquement dans les stades précoces de l’internationalisation.

Qu’en est-il concernant les études réalisées au Bangladesh ?

Dans ce pays émergent d’Asie du Sud, nous avons mené deux études quantitatives : en 2011 sur 705 entreprises de l’industrie exportatrice de vêtements et en 2019 sur 98 entreprises de multiples secteurs d’activité. Dans ces travaux, nous nous sommes intéressés aux impacts de l’aide à l’export sur la performance, mais aussi au rôle de « l’orientation entrepreneuriale internationale » des entreprises et des managers comme médiateur dans la relation entre aide à l’export et performance à l’export. Bien que la littérature académique reconnaisse que les programmes de promotion des exportations (EPP) nationaux peuvent être utiles pour améliorer les compétences entrepreneuriales, les chercheurs ont jusqu’à présent ignoré cette perspective en faveur d’un « focus étroit » tenant compte uniquement des implications des EPP sur la performance. Cette recherche présente un cadre conceptuel original pour relier la littérature sur l’entrepreneuriat international au soutien à l’export. Elle traite de la question fondamentale de savoir si les politiques de soutien à l’export peuvent influencer l’entrepreneuriat international pour atteindre la réussite à l’export.

Quels résultats avez-vous obtenus ?

La première étude comparait les systèmes de soutien gouvernementaux (ou quasi-gouvernementaux, via notamment les associations professionnelles) et les systèmes non gouvernementaux.  Nous avons trouvé que les systèmes d’aide (quasi)gouvernementaux avaient un effet négatif non significatif sur l’orientation entrepreneuriale internationale et sur la performance à l’export (marketing et financière), ce qui nous a surpris. Après avoir séparé les effets des EPP gouvernementaux et des EPP quasi-gouvernementaux dans la deuxième étude, nous avons observé des effets négatifs significatifs du soutien quasi-gouvernemental et des effets positifs significatifs des EPP gouvernementaux.

Finalement, nos résultats montrent donc que les EPP gouvernementaux et non gouvernementaux affectent positivement l’orientation entrepreneuriale internationale et la performance à l’export, tandis que les EPP quasi-gouvernementaux ont un impact négatif au Bangladesh. Ce dernier résultat est sans doute lié aux pratiques de corruption et aux politiques de pouvoir des associations d’exportateurs quasi-gouvernementaux dans les pays en développement. L’effet positif des EPP gouvernementaux sur la performance à l’export des entreprises conforte la littérature existante. De plus, l’impact positif des EPP non gouvernementaux sur la performance a été prouvé. Nos études confirment également que l’orientation entrepreneuriale internationale contribue positivement à la performance à l’export.

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