COVID RESPONSE : Dans quel sens les attentes des consommateurs vont-elles évoluer ?


 

Analyse

Partout dans le monde, les consommateurs ont modifié leur comportement d’achat du fait du Covid-19, notamment pendant le confinement, que ce soit en termes de circuits de distribution, de sources d’informations consultées, de canaux ou points de vente, de produits et de quantité achetées, de fréquence d’achat, de critères, de préférences, etc. 

Il convient par conséquent de chercher à comprendre en quoi leur état d’esprit a changé, quelles nouvelles habitudes ont été prises, si celles-ci seront durables, etc.

Ci-après quelques réflexions et pistes qui favoriseront une meilleure lecture de la situation :

L’évolution des critères d’achat

Il a été observé lors de la crise de 2009 (et en cette période actuelle de turbulence) qu’en temps de crise la consommation se dirige spontanément sur des produits moins chers. C’est un élément durable (1 à 2 ans) contre lequel il est difficile de rivaliser et auquel il faut s’adapter en privilégiant ses efforts sur la partie la plus abordable de son offre.

La crise entraîne également une migration du consommateur vers de nouvelles marques (marques distributeurs vs marques privées, marques locales vs importations, etc.) et de nouveaux produits (e.g. produits de substitution, produits concurrents). Ceci est notamment mû par les disruptions d’approvisionnement, qui résultent du confinement et qui amènent le consommateur à reconsidérer ses options et éventuellement à effectuer quelques changements dans son panier d’épicerie. De même, l’évolution des critères d’achat rendent le consommateur plus à l’écoute de certains messages.

Le consommateur pourrait également être influencé assez longtemps par la peur de la “promiscuité subie”, et chercher à pouvoir assurer une distanciation sociale dans toutes les formes de distribution et de consommation ; sont impactés le choix des canaux de distribution pour faire ses achats, des moyens de transport pour se déplacer, des choix en matière de tourisme, d’hôtellerie, voire même d’habitat, etc : partout où un choix se présentera entre une solution qui fait courir un risque de promiscuité subie et une solution qui garantit une protection sanitaire par distanciation sociale, le consommateur pourrait privilégier la seconde. 

Par exemple, les ventes d’automobiles sont fortement reparties en Chine dès avril 2020 (rejoignant immédiatement leur niveau pré-Covid) pour partie du fait d’achats de substitution réalisés par des personnes qui souhaitaient remplacer les transports en commun par la voiture individuelle. Un autre exemple s’observe dans la réémergence des drive-in, qui illustre également cette tendance à minimiser la promiscuité subie. Dans l’habitat, la reprise des recherches immobilières s’oriente davantage vers des maisons avec jardin que vers les appartements dans des immeubles, etc.

Au-delà de ces critères liés à la promiscuité, la sensibilité au regard des conditions d’hygiène, de santé et de sécurité compte davantage dans la décision d’achat du consommateur. De Même, les critères environnementaux devraient vraisemblablement se renforcer durablement. La crise sanitaire du Covid-19 étant une crise liée aux voies respiratoires, elle pourrait a minima sensibiliser plus les personnes sujettes aux problèmes posés par la pollution.

Les dépenses de consommation des ménages 

McKinsey & Company a produit une typologie pour illustrer l’évolution du comportement d’achat des consommateurs liée au Covid-19 en ce qui concerne les différentes catégories de produits de grande consommation :

  1. Stocker et consommer : Les consommateurs se sur-approvisionnent par crainte de pénurie ou de considérations sanitaires, augmentant ainsi leur consommation de certains produits pendant la crise ; en sera-t-il probablement ainsi après la crise. On trouve dans cette catégorie les produits de nettoyage, les produits vitaminés et les suppléments alimentaires, etc.

  2. Stocker et conserver : Les particuliers réagissent à la peur d’une pénurie en achetant initialement plus de produits mais sans en consommer davantage, entraînant une baisse des volumes d’achat au sortir de la crise. On trouve dans cette catégorie les aliments pour animaux de compagnie, le papier toilette, les pâtes, etc.

  3. Pas maintenant : La baisse de la confiance des consommateurs et l’accent mis sur les produits essentiels entraînent une diminution des achats de certains produits pendant la crise, par exemple l’habillement, la beauté, la nourriture et les boissons à usage immédiat. Les niveaux d’achat pour ces catégories devraient revenir progressivement à la normale après la crise.

Les dépenses d’investissement des ménages

Les dépenses d’investissement des ménages comme les biens durables sont typiquement suspendues dans ce genre de crise : achats automobile, immobilier, électroménagers, travaux sur l’habitat, voyages à l’étranger, etc. En effet, la baisse anticipée des revenus d’un grand nombre de consommateurs risque d’occasionner un réexamen de leur budget de dépenses. Aussi, la constitution ou la reconstitution d’une épargne de précaution pourrait se généraliser.

Il faut néanmoins garder à l’esprit que dans certains pays le confinement a augmenté l’épargne disponible, laquelle pourrait être mobilisée pour ce type d’achat dès que l’effet précaution sera passé. Les plans de relance miseront éventuellement sur ce type d’achat en abondant les achats automobiles et les dépenses dans le bâtiment. Ces secteurs devraient ainsi vivre un « stop and go » très radical, avec un quasi arrêt des ventes pendant le confinement et une forte reprise post-confinement.

Nonobstant ce qui précède, il est intéressant de constater qu’une étude canadienne réalisée en 2013 par Galbraith et Tkacz montre que les effets d’interruption ou de ralentissement des dépenses des consommateurs canadiens, suite aux événements du 11 septembre, de la crise du SRAS et d’autres événements catastrophiques similaires ont été “de courte durée et peu importants” (voir lien dans la section « Pour approfondir » de cet article).  

De plus, à partir de la crise de 2002 jusqu’à la récession de 2008-2009, la tendance au cocooning s’est répandue un peu partout en Amérique du Nord, si bien que les biens et services axés sur le confort et les loisirs au domicile ont connu une croissance soutenue.

L’évolution de la distribution

Le réaménagement des circuits de distribution constitue sans doute l’une des transformations majeures que cette crise occasionnera. 

Au-delà des achats en ligne, certains points de vente physiques pourraient être délaissés par les consommateurs au profit de plus grandes surfaces. Aussi, le taux de fréquentation des magasins, déjà considérablement réduit du fait du confinement et des mesures post-confinement, pourrait ne pas remonter aux niveaux d’avant crise. En revanche, le montant ou le volume à l’achat pourrait s’accroître lors de chaque fréquentation, donnant lieu à une tendance à stocker davantage. Est-ce à dire que l’effet se répercute sur le secteur de l’habitat (ex.: plus de mobilier pour le rangement) ? Il pourrait être intéressant de surveiller une éventuelle tendance à cet effet.

 

Recommandations

Rebattre les carte de son action commerciale et marketing

Pour tenir ses marchés la première priorité est de préserver la relation avec ses clients/partenaires, en essayant de trouver toutes les solutions logistiques, marketing et relationnelles pour continuer à opérer votre business avec eux.

Pour cela il faut :

I. assurer de la capacité nécessaire pour effectuer les livraisons des produits et services aux clients en temps voulu ;

II. continuer à parler à ses clients le plus fréquemment possibles et assurer l’effort de fidélisation de la clientèle déjà acquise.

Dans le cadre de la réponse à la situation Covid, McKinsey a développé la méthode SPRINT, une liste de six actions pour aiguiller l’entreprise dans le redéploiement de son activité pour répondre en temps utile aux changements dans l’univers de consommation (nous la citons en anglais car c’est dans cette langue qu’elle a été développée) :

  1. Size revenue exposure at the most practical, granular level

  2. Project forward-looking demand for each focus area

  3. Revamp the marketing plan

  4. Invigorate e-commerce

  5. Navigate the three Ps: Pricing, promotions, and portfolio

  6. Team up with customers and execute

Pour en savoir plus sur cette méthodologie :
https://www.mckinsey.com/industries/consumer-packaged-goods/our-insights/rapidly-forecasting-demand-and-adapting-commercial-plans-in-a-pandemic?cid=other-eml-alt-mip-mck&hlkid=536af822862447ed90b300bb8d4bf9a8&hctky=1390674&hdpid=8cdeaa7b-203f-4a53-8bda-b4a19877f22e ).

Une autre méthodologie a été produite dans le même contexte par le Boston Consulting Group qui propose 8 actions (nous la citons en anglais car c’est en anglais qu’elle a été développée) :

  1. Expect change and look ahead

  2. Understand broader social shifts

  3. Scrutinize granular, high-frequency data

  4. Identify your own revealed weaknesses

  5. Study regions further ahead in the crisis

  6. Scan for maverick activity

  7. Look at which new patterns reduce friction

  8. Maintain hope and a growth orientation

Pour en savoir plus sur cette méthodologie : 
https://www.bcg.com/en-us/publications/2020/8-ways-companies-can-shape-reality-post-covid-19.aspx 

Revoir la segmentation des marché et de l’offre

Il est également intéressant de parcourir à nouveau toutes la segmentation de ses marchés, pour identifier ceux qui seront en croissance et ceux qui seront en déclin, car du fait du bouleversement économique lié au Covid-19, de nouveaux types de clients et de nouvelles opportunités émergeront. 

Ernst & Young a développé un indice qui montre comment les différents segments de marché pourraient évoluer après le Covid-19. Pour en savoir plus :

https://www.ey.com/en_gl/consumer-products-retail/how-covid-19-could-change-consumer-behavior 

Se montrer empathique dans sa communication

Enfin, il sera plus que jamais important pour les entreprises de se montrer empathiques pendant cette crise. C’est notamment l’occasion pour elles de consolider leur lien de confiance pour établir des relations émotionnelles durables avec les consommateurs et les communautés qu’elles servent.

 

Exemples de stratégies gagnantes 

Exemple 1 : intégrer une assurance Covid dans votre offre

Le secteur de l’assurance est connu pour être très conservateur sur le plan marketing. Mais en réponse à la crise, la compagnie d’assurance chinoise Ant Financial a ajouté une couverture spéciale Covid-19 à ses produits. Cette décision a fait suite à la demande des clients et a permis d’augmenter leur loyauté. Mais elle a permis aussi d’alimenter une promotion en ligne : le résultat a été une augmentation de 30% des revenus de cette compagnie d’assurance en février 2020.

Exemple 2 : se repositionner en fonction du Covid

GoPuff fait la livraison de produits courants de première nécessité (produits de nettoyage, médicaments en vente libre, aliments et boissons…) en quelques minutes. Avec ses propres installations situées au centre de chaque marché local desservi, l’entreprise livre rapidement des milliers de produits pour des frais de livraison fixes de 1,95 $US. Étant en mesure de vendre ses produits directement au consommateur, GoPuff est aux premières loges pour observer l’évolution des tendances des commandes et d’identifier en temps réel l’évolution des habitudes de consommation. Grâce à ces informations précieuses, l’entreprise fournit à ses partenaires fournisseurs des informations approfondies sur la façon dont leurs produits et leurs marques sont utilisés par le consommateur en mutation, les mesures à prendre pour maintenir la pertinence dans un marché de plus en plus encombré et les leviers à utiliser pour créer des habitudes d’achat répétées auprès d’un public dont la fidélité à la marque est plus difficile à maintenir.

 

Fausses pistes et erreurs à ne pas commettre

On entend beaucoup dire (y compris dans des sondages) que les consommateurs auront tendance à acheter davantage de produits locaux, fabriqués dans leur pays. Il y a fort à parier que l’absence d’alternative nationale ou le critère du prix fera que les comportements d’achat ne changeront pas fondamentalement dans ce domaine : un produit importé continuera à se vendre si sa qualité perçue et son prix sont attractifs ;

On entend aussi dire qu’il faut attendre pour retourner sur les marchés. C’est une erreur évidemment, ce sont ceux qui reprendront les premiers le contact avec le marché qui sauront avant les autres comment la demande a évolué et pourront faire évoluer leur offres en conséquence (lean management). Ceux-ci pourraient être les premiers à faire des erreurs et connaître des échecs mais ils seront également les premiers à tirer les leçons pour progresser.

 

Pour approfondir

Des articles sur le changement des attentes des consommateurs en général
Rapidly forecasting demand and adapting commercial plans in a pandemic, McKinsey & Company, April 2020. 
https://www.mckinsey.com/industries/consumer-packaged-goods/our-insights/rapidly-forecasting-demand-and-adapting-commercial-plans-in-a-pandemic?cid=other-eml-alt-mip-mck&hlkid=536af822862447ed90b300bb8d4bf9a8&hctky=1390674&hdpid=8cdeaa7b-203f-4a53-8bda-b4a19877f22e
How COVID-19 is changing consumer behaviors (Ernst & Young)
https://www.ey.com/en_gl/consumer-products-retail/how-covid-19-could-change-consumer-behavior 

Report : COVID 19 sparks dramatic changes in consumer behavior
HTTPS://WWW.HOMETEXTILESTODAY.COM/RESEARCH-AND-ANALYSIS/REPORT-COVID-19-SPARKS-DRAMATIC-CHANGES-IN-CONSUMER-BEHAVIOR/ 

Des articles sur le changement des attentes des consommateurs en Amérique du Nord
U.S. Consumer Attitudes about COVID 19, Acupoll,
https://static1.squarespace.com/static/5b1056494cde7a7199937c12/t/5ea5b13e2fec9937a4733678/1587917276049/COVID-19+Impact+Wave+4-5.pdf 

Analyzing Economic Effects of September 11 and Other Extreme Events Using Debit and Payments systems Data
https://www.jstor.org/stable/23594705?read-now=1&refreqid=excelsior%3A5527d76e606faf7817fbffc2a2dd9049&seq=1#page_scan_tab_contents 

Une compilation d’articles sur le changement des attentes des consommateurs en Chine.
COVID-19 Has Changed Consumer Behavior. What Does it Mean for the Future?
https://uanews.arizona.edu/story/covid19-has-changed-consumer-behavior-what-does-it-mean-future 

A global view of how consumer behavior is changing amid COVID-19
https://www.mckinsey.com/business-functions/marketing-and-sales/our-insights/a-global-view-of-how-consumer-behavior-is-changing-amid-covid-19 

Crisis Management and the Coronavirus: Changes in Shopping Behavior
https://wwd.com/business-news/business-features/klarna-webinar-crisis-management-and-the-coronavirus-changes-in-shopping-behavior-1203555744/ 
How Brands Can Adapt To Changing Consumer Behavior Amid COVID-19
https://www.forbes.com/sites/daveknox/2020/04/17/how-brands-can-adapt-to-changing-consumer-behavior-amid-covid-19/#575d14a25947

Key consumer behavior thresholds identified as the coronavirus outbreak evolves
https://www.nielsen.com/us/en/insights/article/2020/key-consumer-behavior-thresholds-identified-as-the-coronavirus-outbreak-evolves/ 

How the COVID-19 Pandemic Is Influencing Consumer Behavior
https://www.contentserv.com/en/blog/how-covid-19-pandemic-is-influencing-consumer-behavior/
Sensing and Shaping the Post-COVID Era
tthps://www.bcg.com/en-us/publications/2020/8-ways-companies-can-shape-reality-post-covid-19.aspx
Ample Data, Often Free, Can Predict Consumer Behavior Through the Covid-19 Crisis
(Publicly available tools help companies spot patterns in one country or region that will likely repeat elsewhere.)
https://www.bain.com/insights/ample-data-often-free-can-predict-consumer-behavior-through-the-covid-19-crisis/

Supply Chain Lessons from Covid-19: Time to Refocus on Resilience
(Amid crisis and disruption, supply networks designed for low-cost and minimal inventory pose a major risk.)
https://www.bain.com/insights/supply-chain-lessons-from-covid-19/ 

Are ‘antivirus’ cars in China just a gimmick?
https://www.bbc.com/news/amp/business-52470592

Consultez également notre thesaurus général “COVID & BUSINESS INTERNATIONAL”
https://docs.google.com/document/d/14zEjylF1-vBYBVi8al56h3jHvDIcNsQozZwmOPGMeMo/edit  

 

Pour enrichir cet article

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Crédits et remerciements 

Ce texte est une production du groupe de travail « Réfléchir aux nouvelles approches de l’export » animé par La Fabrique de l’Exportation dans le cadre du Groupe « Solutions pour l’Exportation » auquel ont participé l’Adepta, BPI France, Business France, les CCE, CCI France, CCI France International, ICC France, La Fabrique de l’Exportation, MEDEF, MEDEF International, l’OSCI et Stratexio dès le début de la crise du Covid-19. Les droits d’édition et de reproduction de ce texte sont réservés à ces organisations.

Ces textes ont été rédigés grâce aux contributions de Renaud Bentégeat, Chloé Berndt, Emmanuelle Butaud-Stubbs, Omar Boulenouar, Stéphane Boulet, Cécile Boury, Charafa Chebani, Jean-Paul David, Bogdan Gadenne-Feertchak, Philippe Gautier, Jean-Christophe Gessler, Michelle Grosset, Sophie Guichard, Christophe Hery, Stéphanie Le Dévéhat-Picqué, Fabrice Le Saché, Boris Lechevalier, Arnaud Leurent, Rémy Maréchal, Charles Maridor, Frederic Rossi, Gaël Sabbagh, David Séjourne, Etienne Vauchez.

 

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