Comment pouvoir “exporter” les services intégrés à une offre produit ?


PME : comment « exporter » les services intégrés à une offre produit ? 

Une offre produit comprend le plus souvent des services intégrés, dont certains exigent une interaction avec le client, voire une présence auprès de lui. Comment fournir ces services sur les marchés étrangers ? En utilisant quel mode d’entrée ? Eléments de réponse avec Robert Jack, professeur de management à la Macquarie Business School (Sydney, Australie).

 

En quoi l’existence de services intégrés à l’offre produit est-elle importante pour l’internationalisation des PME ?

De nombreux produits – y compris ceux des entreprises industrielles – contiennent également des services « embarqués », c’est-à-dire des « composants » de service intégrés à l’offre produit : conception personnalisée, installation, formation, service après-vente, etc. Et la fourniture de ces services peut nécessiter des interactions avec le client. La question de savoir comment ces services vont pouvoir être « livrés » sur les marchés étrangers est donc cruciale pour l’internationalisation des PME. Cette question se pose d’autant plus fortement pour les PME australiennes qui n’ont pas de marché “frontalier”.

 

Le manager d’une entreprise qui produit et commercialise des instruments médicaux résume bien cette problématique. Pour lui, il existe différentes phases dans le processus complet de livraison d’un produit, qui constituent autant de « composants » du produit. Le début du process est marqué par une interaction intense avec le client : il s’agit de concevoir le produit en intégrant les caractéristiques spécifiques souhaitées par le client. Ensuite, la phase intermédiaire, c’est-à-dire le développement et la fabrication, peut être réalisée à distance, séparément du client. Enfin, le troisième « composant », une fois le produit fabriqué, comprend différentes activités comme l’installation, l’entretien et le service après-vente qui nécessitent à nouveau une interaction forte avec le client. Le principal défi pour les PME est de savoir comment réaliser l’ensemble de ce process à l’étranger. La compréhension et la prise en compte des composants de services intégrés à l’offre produit sont donc essentielles pour l’internationalisation des PME. 

 

Pour votre travail de recherche, vous vous appuyez sur les notions de « modularité » et de « séparabilité ». De quoi s’agit-il ?

Certains produits relativement complexes peuvent être décomposés en plusieurs éléments ou sous-ensembles. Notre étude montre que cette modularité est souvent utilisée par les PME qui s’internationalisent pour trouver des modes d’entrée plus flexibles qu’un investissement direct à l’étranger ou des accords contractuels avec des partenaires locaux. Il s’agit de déterminer les composants qui peuvent être réalisés sur le marché domestique, séparément du client (les composants « séparables »), et ceux qui nécessitent une interaction directe avec le client (les composants « inséparables »). La production est ainsi un composant « séparable », tout comme la formation en ligne. Mais la plupart des services sont « inséparables », aussi leur prestation peut exiger une forme de présence sur le marché étranger du client. De plus, cette inséparabilité peut revêtir différentes formes : l’interaction indispensable avec le client peut varier en durée, elle peut être continue ou interrompue par un ou plusieurs intervalles, elle peut avoir lieu au début ou à la fin du processus de fourniture du produit.

 

Comment cette modularité est-elle utilisée par les PME pour trouver des modes d’entrée flexibles sur les marchés étrangers ?

Il existe différentes manières d’exporter des services « inséparables » ou interactifs. La recherche a développé toute une terminologie pour expliquer comment ces composants inséparables sont exportés. Elle parle de « délocalisation temporaire des producteurs » (pour les transactions à l’étranger où une présence temporaire des producteurs est nécessaire), de « déménagement permanent ou temporaire » (un employé de l’entreprise déménage de façon temporaire ou définitive à l’endroit où se trouve le consommateur), de « services basés sur le contact » (les services traversent les frontières par l’intermédiaire de personnes – producteurs ou consommateurs – qui entrent ou sortent d’un pays pour s’engager dans des transactions), d’« exportations par des humains » (les services sont fournis à un client étranger lors de déplacements de personnel chez le client), de « mode basé sur la personne » (un mode opérationnel fortement dépendant de la personne, dotée d’un niveau d’expertise important), ou encore d’« exportation par des personnes incarnées » (les services à forte intensité d’information sont délivrés en localisant du personnel dans le pays hôte sur une base temporaire ou flexible).

 

Dans ce contexte, en quoi consistait votre travail de recherche ?

Nous avons mené une étude qualitative sur cinq PME australiennes opérant sur les marchés B2B, en examinant la modularité des produits et la fourniture de services à l’international. Même si les PME peuvent manquer de ressources financières et de capacités managériales, tout en étant plus sensibles que les grandes entreprises aux cycles de commandes, elles peuvent s’appuyer sur des atouts comportementaux comme le dynamisme entrepreneurial, la flexibilité et la motivation. Ces forces et faiblesses les amènent à rechercher des solutions créatives aux défis posés par le mode d’entrée sur un marché étranger. 

Les entreprises doivent réfléchir à la manière de mettre en œuvre de manière efficace l’ensemble des activités qui composent leur offre produit. Mon étude se focalise sur les composants clés du produit et sur les modes utilisés pour délivrer ces composants au client sur un marché étranger.

 

Quels sont les principaux résultats de votre étude ?

Les PME étudiées utilisent différents modes d’entrée. La plupart des services supports associés au produit ne sont pas livrés par une filiale sur place mais par des employés de l’établissement principal de la PME, situé dans le pays d’origine Dans certains cas, cela peut être fait par transmission électronique, mais dans d’autres, cela nécessite de se rendre dans le pays du client pour lui apporter une expertise, parfois sur des périodes de temps très courtes, parfois sur des périodes plus longues. C’est ce que nous appelons « l’exportation par des personnes incarnées ». Nos résultats mettent en évidence le recours fréquent au transfert transfrontalier de personnel. 

Bon nombre des services « inséparables » identifiés ont des délais de réalisation prédéterminés : même s’ils ne peuvent être réalisés qu’en interaction directe avec le client, la composante indissociable de ces services est échelonnée et non continue. Les entreprises peuvent donc affecter du personnel dans le pays du client sur une base temporaire ou flexible. L’information est transmise du marché d’origine au marché d’accueil par ce personnel envoyé chez le client. C’est lui qui porte l’expertise de l’entreprise pour livrer ce service associé au produit, en étant localisé sur le marché d’accueil de manière temporaire ou flexible.

 

Quelles sont les implications managériales ?

Les services indissociables tels que l’installation, la mise en service et diverses formes de service « après-vente » ont tous des délais de réalisation prédéterminés. La composante indissociable de ces services est d’une nature de court terme – même si le temps de réponse est crucial et peut être imprévu. Autrement dit, les PME doivent travailler en étroite collaboration avec le client, mais sur une période définie. La colocalisation requise avec le client peut donc être temporaire et assurée par le biais d’« exportations par des personnes incarnées ». Pour pallier leur manque de moyens, les PME utilisent des modes d’entrée multiples ou des combinaisons de modes, en privilégiant l’exportation basée sur le déploiement de personnes.

 

Quelles sont les implications stratégiques ?

La décision de fournir ces services à partir du siège de l’entreprise a conduit ces entreprises à sélectionner des marchés étrangers où le soutien du siège peut être fourni plus efficacement – notamment des marchés pas trop éloignés géographiquement pour permettre un déplacement dans la journée par exemple. Les managers interrogés soulignent aussi que la nécessité de l’implication du siège social est un facteur déterminant pour l’étendue des opérations à l’étranger, car il est bien sûr difficile de fournir, sur une base régulière, du personnel du siège social à l’étranger.

 

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