Piggybacking : le défi de la confiance et du partage de connaissances


Professeur de commerce international et d’entrepreneuriat à l’Université de Syddansk, au Danemark, Stephen Mark Rosenbaum s’est intéressé au « piggybacking » (ou portage à l’international), un mode d’exportation indirect peu utilisé et pourtant intéressant pour les PME. Entretien.

Comment en êtes-vous venu à vous intéresser au piggybacking ?

En tant qu’économiste, je me suis intéressé aux alliances stratégiques entre entreprises, aux formats qu’elles adoptent et  notamment au piggybacking (ou portage à l’international). J’ai constaté que la plupart des travaux dataient des années 1970 ; j’ai donc souhaité contribuer à mieux connaître le phénomène. Cette stratégie consiste, pour une PME, à intégrer son produit ou service, sa propre marque, dans celui d’une autre entreprise, mieux établie sur les marchés étrangers. L’exemple classique étant celui d’Intel qui intègre ses composants au sein des ordinateurs de différents fabricants avec le logo « Intel Inside ».

Quelles sont les spécificités du piggybacking ?

Le piggybacking est un mode d’entrée à l’international, un mode d’exportation indirect très particulier. C’est une alliance stratégique spécifique, utilisée dans le seul but d’exporter. C’est aussi le plus souvent une alliance asymétrique du point de vue de la taille et de la culture organisationnelle des acteurs en présence. Généralement, le « porté » (le rider) est en effet une petite entreprise, start-up ou PME, manquant de ressources et inexpérimentée sur les marchés étrangers, tandis que le « porteur » (le carrier) est un grand acteur global. Comment ces deux entreprises de taille et de culture des affaires i très différentes vont-elles pouvoir coopérer, partager des connaissances et se faire confiance mutuellement ? Telle est la question centrale posée par ce type d’alliance.

Comment avez-vous étudié ce sujet ?

Avec mes collègues, T. Madsen et H. Johanning, nous avons mené une étude de cas longitudinale et suivi durant quatre ans l’évolution d’une collaboration de ce type. Ce travail a fait l’objet d’un article publié dans l’International Marketing Review en février 2019. Le carrier était une grande firme de consulting spécialisée dans l’industrie pharmaceutique (700 employés dans 25 pays) commercialisant notamment des systèmes permettant d’obtenir, à partir de recherches et de requêtes manuelles, les informations liées à un médicament exigées par les réglementations. Le rider était une start-up danoise (25 employés) développant une solution logicielle permettant d’obtenir automatiquement ces informations, et donc de gagner du temps et de minimiser les risques de non-conformité.

Quels ont été les résultats mis en évidence par cette étude ?

Nous avons constaté qu’en dépit de la différence de taille et de culture organisationnelle, les dirigeants ont réussi au départ à organiser la collaboration grâce à diverses initiatives : création d’un groupe de pilotage, échange d’individus clés, partage de connaissances, lancement en commun d’un service d’assistance… Mais des difficultés sont survenues lorsque les décisions ont été déléguées au middle management, en raison de motivations « mal alignées » et de méfiance réciproque. La solution numérique du rider tendant à cannibaliser l’activité historique du carrier, les employés de ce dernier étaient peu enclins à vendre le nouveau service. Du côté du rider, on s’inquiétait d’une possible intégration verticale par le carrier et on était donc réticent à partager les connaissances. L’accord a finalement échoué et les deux parties n’ont pu récolter les bénéfices du piggybacking sur les marchés mondiaux.

Quels enseignements peut-on tirer de cette étude ?

Lors de la délégation de la mise en œuvre aux cadres intermédiaires, il faut bien s’assurer qu’il n’existe pas de conflits d’intérêts et de motivations divergentes qui sèmeraient le germe d’une méfiance mutuelle et d’un manque d’empressement dans l’échange de connaissances. Dans les accords de piggybacking, les dirigeants doivent mettre en place des systèmes d’incitation internes pour favoriser l’implication du middle management dans la collaboration.

 

Découvrez l’intervention de Stephan Mark Rosenbaum : 

Le « piggybacking » (ou portage) consiste, pour une entreprise, à intégrer son produit/service sous sa propre marque dans le produit d’un autre fabricant ou donneur d’ordres mieux établi sur les marchés étrangers. L’exemple classique est le cas de Intel, qui intègre ses composants sous sa propre marque (« Intel Inside ») au sein de différents fabricants d’ordinateurs; mais cette stratégie gagne aussi en importance chez les PME qui s’internationalisent.   Stephen Mark Rosenbaum, Professeur de Commerce International et d’Entrepreneuriat à l’Université de Syddansk (Danemark) présente dans cette vidéo ce concept à travers divers exemples et montre les avantages qu’il présente, ainsi que les difficultés potentielles rencontrées par les PME qui choisissent de recourir au piggybacking.