La France doit faire du commerce international un facteur de sa prospérité et un accélérateur de la décarbonation


Nous observons comme vous que le commerce international est présenté de façon caricaturale dans la campagne pour l’élection présidentielle 2022, sous l’angle de la concurrence déloyale destructrice d’emplois, des nuisances environnementales ou comme un facteur de risque dont il faudrait surtout se protéger, voire s’exclure. En réalité, la France est beaucoup plus intégrée qu’elle ne le croit au commerce international, et sa prospérité dépend beaucoup de la manière dont ses entreprises réussissent (ou échouent) à l’international.

Le think tank La Fabrique de l’Exportation a donc décidé de contribuer au débat d’idées dans le cadre de la campagne présidentielle en prenant l’initiative d’une Tribune mettant en avant le caractère essentiel du commerce international pour la prospérité du pays. 

Nous invitons le maximum de dirigeants d’entreprises exportatrice, de professionnels de l’international et d’enseignants-chercheurs en management international à signer cette Tribune pour qu’elle ait le plus d’impact possible.

La Tribune

La France doit faire du commerce international
un facteur de sa prospérité et un accélérateur de la décarbonation

Nous, dirigeants d’entreprises françaises exportatrices, professionnels de l’international et enseignants-chercheurs en management international, souhaitons apporter notre témoignage et contribuer au débat d’idées dans le cadre de la campagne pour l’élection présidentielle de 2022 en mettant en avant le caractère essentiel du commerce international. Nous constatons en effet que ce dernier y est trop souvent présenté sous le seul angle de la concurrence déloyale et destructrice d’emplois, des nuisances environnementales et uniquement comme un facteur de risque dont il faudrait surtout se protéger, voire s’exclure. Cela est faire fi du fait que la France est plus intégrée qu’elle ne le croit au commerce international, dont elle est un acteur important : nos exportations de biens et services nous classent au 6ème rang mondial et nos exportations hors UE1 soutiennent à elles seules plus de 3,4 millions d’emplois en France2.

Notre expérience montre qu’une internationalisation réussie fait la prospérité de nos entreprises, de leurs collaborateurs et de nos territoires en diffusant de la richesse bien au-delà des grandes métropoles françaises. S’il est légitime de veiller scrupuleusement à la réciprocité dans les échanges internationaux et à la défense des intérêts stratégiques européens, les entraves infondées au commerce international sont, contrairement aux idées reçues, source de graves déséquilibres économiques et sociaux (inflation, manque d’investissement et d’innovation, appauvrissement, etc.)

Ainsi nous ne voyons pas de prospérité possible pour la France sur une base de protectionnisme ou d’autosuffisance; nous ne pensons pas que le repli sur soi soit compatible avec le commerce et la paix; nous ne croyons pas non plus que la décroissance constitue une piste réaliste permettant d’associer prospérité et décarbonation. 

Sans éluder  certains effets négatifs de la mondialisation, nous pensons qu’il est important que dans cette campagne présidentielle, le sujet du commerce international soit abordé de manière intelligente, créative et sereine pour que notre pays en fasse un facteur clé de sa prospérité.

C’est son ouverture au monde qui fait la prospérité d’un pays 

L’accès aux marchés et aux fournisseurs étrangers est fondamental pour nos entreprises: l’exportation leur permet de diversifier leurs marchés, de rentabiliser leurs investissements par des économies d’échelle, d’accélérer l’innovation; l’importation leur permet d’incorporer les meilleures technologies, de diversifier leurs sources d’approvisionnement, etc. Sans compter que, sur le plan macro-économique, l’accès aux produits importés soutient le pouvoir d’achat des consommateurs français et européens.

L’activité internationale améliore constamment le niveau de technicité de nos entreprises; elle favorise la croissance, la création d’emplois, permet d’augmenter le niveau moyen des salaires et constitue un facteur de résilience dans les crises. Ainsi, lorsqu’une de nos entreprises réussit sur les marchés étrangers ce sont nos territoires et leurs populations qui en bénéficient car le succès à l’international alimente le pouvoir d’achat, la dynamique économique et la cohésion sociale.

Nous défendons un commerce international plus équitable et jouant le rôle d’accélérateur de la décarbonation 

C’est le commerce international qui permet de financer les investissements dans la greentech et  de diffuser rapidement des technologies dont nous avons besoin pour décarboner nos productions et gagner la course contre la montre du défi climatique. En effet, sans marché mondial, aucune des innovations que nous connaissons dans les énergies, les matériaux, et les moyens de transport bas-carbone n’aurait été possible.

Mais surtout, c’est par le biais du commerce international que les efforts de décarbonation peuvent être imposés au monde entier: la régulation verte du commerce international (taxe carbone aux frontières, accords commerciaux incluant des clauses environnementales, etc.) permet en effet de diffuser à l’ensemble de la planète des standards environnementaux plus exigeants. Ainsi, au-delà des accords sur le climat, la régulation verte du commerce international est un autre accélérateur de la lutte contre le réchauffement climatique à l’échelle mondiale. 

Dans une approche universaliste, ces mêmes principes peuvent s’appliquer aux deux autres dimensions de la RSE, le social et le sociétal. Ainsi le commerce international doit davantage être un puissant facteur d’alignement des pratiques des entreprises du monde entier, et contribuer à une compétition plus loyale pour nos entreprises. La construction d’indicateurs plus exigeants pour prendre en compte les composantes RSE des produits échangés est ainsi devenue un enjeu pour le modèle européen  d’économie sociale et écologique de marché auquel nous adhérons.

L’Europe, compétente pour les négociations en matière de commerce international au sein notamment de l’OMC doit être à la pointe de ces combats et la France a un rôle majeur à jouer pour faire valoir ces positions.

Ne pas passer à côté de la révolution du commerce international des services

De 2011 à 2019 les échanges internationaux de services ont fait un bond de plus de 50%, contre +22% pour les biens sur la même période3; et la part des services dans les exportations françaises est passée de 24% à plus de 30% entre 2000 et 20194. En retenant un mode de calcul en valeur ajoutée, les exportations françaises de services dépassaient même déjà les exportations de biens en 20115. Pour autant, le commerce international des services reste mal analysé dans notre pays, et leur exportation demeure peu valorisée.

L’accélération des échanges de services constitue la prochaine révolution du commerce international. Elle est déjà amorcée du fait de l’adoption universelle de la visioconférence qui a décuplé les possibilités de travailler, collaborer, vendre et acheter des services avec le monde entier. Le phénomène concerne la santé, la formation, la data, le logiciel, l’ingénierie, la culture, le consulting, la transformation environnementale, le transport, le tourisme, etc. Il touche également toute l’industrie qui exporte de plus en plus de services associés à ses produits: formation, financement, assurance, garanties de performance, location, facturation à l’usage, recyclage, maintenance, data, accès aux pièces détachées sous forme de fichiers, etc. 

Nous pensons que notre pays peut fortement bénéficier de ces opportunités sur le marché des services, d’autant plus que leurs échanges ne sont pas entravés par les coûts de transport et les émissions carbone. Mais nous devons aussi être lucides sur le risque de délocalisation associé. Si nous n’y prenons pas garde, le phénomène sera beaucoup plus violent que celui de la grande délocalisation industrielle des quarante dernières années car il est plus rapide de déplacer des activités de services que des productions physiques. Donnons-nous les moyens d’anticiper ces changements et de positionner la France de manière favorable dans les chaînes de valeur mondiales.

En conclusion

Conscients des atouts de notre pays mais aussi des défis qui l’attendent, nous attendons des responsables politiques qu’ils aient la volonté d’utiliser le commerce international, puissant moteur de l’économie de marché, pour créer davantage de prospérité dans nos territoires et accélérer la décarbonation de notre économie. Nous invitons donc les candidats à l’élection présidentielle de 2022 à formuler leurs propositions en ce sens et sur ces sujets, afin de renforcer la place de la France dans un monde ouvert au commerce et aux échanges économiques.

Références:
1. Les chiffres clés du commerce extérieur en 2020, Rapport annuel du commerce extérieur, février 2020
2. Trade and Jobs, Commission européenne
3. d’après Trade shows signs of rebound from Covid-19, recovery still uncertain, Press release WTO, octobre 2020 (charts 1 & 2)
4. Les services dans les échanges extérieur français, DG Trésor, octobre 2020
5. Echanges en valeur ajoutée : France, OCDE-OMC, octobre 2015

 

Les signataires

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