Exportation collaborative


Exportation collaborative

L’exportation collaborative, également appelée exportation associée, consiste à regrouper plusieurs entreprises ayant un objectif commun sur les marchés internationaux ; il peut s’agir soit de partager des informations commerciales soit de mutualiser des actions de commercialisation.
On indique souvent que les producteurs français n’ont pas la taille critique pour exporter de manière efficace et durable sur les marchés émergents (ex : les nombreuses TPE productrices de biscuits régionaux incapables d’exporter seules). L’exportation collaborative semble représenter une alternative avantageuse à une approche en solo du marché : les ressources (budget de promotion et prospection, force de vente, connaissance du marché, réseau, etc.) sont partagées et les coûts mutualisés, permettant ainsi d’accéder à des actions export moins coûteuse et beaucoup plus efficaces.
On observe néanmoins de nombreux échecs dans des démarches qui visent à créer une collaboration entre entreprises françaises exportatrices, que l’on retrouve sous différentes appellations : « cluster », « exportation par filière », « chasser en meute », « groupements d’exportateurs », « portage de PME par des grands groupes », etc. Certains tentent d’expliquer les échecs rencontrés par ces initiatives par l’incapacité des chefs d’entreprise français à collaborer entre eux. Les exemples de succès, nombreux, montrent que l’enjeu réside bien davantage dans la qualité d’ingénierie et de mise en œuvre de cette collaboration.
Fidèle à son objectif de remettre en cause les idées reçues en matière de commerce international le Think Tank La Fabrique de l’Exportation a voulu explorer ce sujet, discerner ce qui fonctionnait de ce qui échouait et comprendre les facteurs clés de succès. Au cours de notre réunion de travail du 21 octobre 2014 nous avons donc partagé différentes expériences d’exportation collaborative et cherché à définir des recommandations pour une bonne implémentation de ces collaborations entre exportateurs.

Sommaire

  1. Analyse de démarches collaboratives entre exportateurs
  2. Les différentes modalités de l’exportation collaborative
  3. Comment créer ou rejoindre des démarches collaboratives entre exportateurs ?

1. Analyse de démarches collaboratives entre exportateurs

Nos travaux nous ont amené à dresser une liste de critères pour analyser une démarche collaborative entre exportateurs. L’observation des succès et des échecs nous ont permis de proposer des recommandations sur chacun de ces critères, aux chefs d’entreprises voulant rejoindre ou créer un groupement d’exportateurs.

a) Critères d’analyse issus de nos observations

Objectif
Quelle que soit la forme d’une démarche d’exportation collaborative, l’exportation collaborative poursuit toujours, tout ou partie des objectifs suivants :

  1. Vendre plus,
  2. Réduire les coûts,
  3. Bénéficier de nouvelles opportunités d’affaires,
  4. Aller plus vite à l’international.

Objet de la collaboration
On peut segmenter les démarches d’exportation collaborative selon ce que les entreprises partagent ; elles peuvent en effet partager :

  1. Des informations commerciales sur les marchés : marchés, appels d’offres, contacts commerciaux, etc.
  2. Des actions de commercialisation et de promotion.

Logique de constitution : PUSH ou PULL
On peut aussi catégoriser l’exportation collaborative suivant deux démarches :

  1. Approche PUSH : la démarche réunit des acteurs qui se perçoivent comme complémentaires souhaitant prospecter ensemble.
  2. Approche PULL : la démarche se construit à partir d’une cible et d’un besoin bien identifié.

Les Pôles de compétitivité par exemple sont souvent des groupements PUSH, constitués autour d’entreprises d’un même secteur ; mais il y a de plus en plus de groupement PULL, construits sur la satisfaction d’un donneur d’ordre type (ex. les acheteurs de produits bio dans la grande distribution, les directeurs d’hôpitaux).

La question des entreprises concurrentes
Intuitivement, il semble préférable de se regrouper entre entreprises complémentaires. Cela permet de créer et de maintenir plus facilement la confiance entre les participants que lorsqu’ils sont concurrents, ce qui est indispensable pour le bon fonctionnement d’un groupement.
Il existe néanmoins des cas de collaboration entre concurrents qui sont des succès, notamment dans le cas d’ouverture de marchés nouveaux. Ainsi par exemple le marché du vin rosé au Brésil a été créé/capté par un groupement de 10 producteurs français concurrents. Il est probable qu’aucun producteur n’aurait pu tout seul faire adopter le rosé français par les brésiliens, mais en réunissant leurs forces ils ont pu réaliser des actions qui ont créé ce marché, à se partager ensuite. Les avantages à coopérer ont ainsi été plus forts que les inconvénients liés à la concurrence.
Cette idée de créer/capter un marché en synchronisant les efforts de concurrents est un classique dans le commerce : dans chaque pays les enseignes de luxe s’installent dans la même rue ou mall, et dynamisent ainsi le marché du luxe, de même que dans les pays arabes et asiatiques il y a des rues pour chaque produit (la rue des équipements pour la maison, la rue pour les vêtements pour enfants etc.). La même logique peut s’appliquer entre producteur français pour faire adopter un produit nouveau très identifié à son origine.

Gouvernance
Voici les types de gouvernance que nous avons recensés :

  • Leadership et animation par un donneur d’ordre (e.g. un grand groupe et ses fournisseurs),
  • Leadership et animation par un exportateur leader (primum inter pares)
  • Leadership et animation par la Société d’Accompagnement ou Société de Commerce International mandatée pour réaliser les ventes,
  • Gouvernance collective par les exportateurs eux-mêmes,
  • Gouvernance par une fédération ou un pôle de compétitivité.

→ Ces deux derniers modèles semblent peu recommandés.

Business Model
Il convient d’élaborer un Business Model qui paraisse juste aux yeux de l’ensemble des entreprises du groupement et qui garantisse la pérennité de l’association. Tout en reconnaissant à chacun la valeur de ses apports.
Voici quelques pistes que nous avons recensées :

  • Financement de l’association :

– Une cotisation fixe annuelle versée par chaque entreprise,

– Une cotisation basée sur le chiffre d’affaire de l’entreprise,

– Des commissions sur les ventes réalisées par l’association

  • Structure de rémunération des participants :

– Pas de rémunération des participants

– Une somme fixe qui récompense un échange entre deux membres, comme par exemple l’apport d’un agent, d’un distributeur ou le gain d’un marché,

– Une commission basée sur les ventes réalisées grâce à un échange entre deux membres.

 

b) Les recommandations du Think Tank

Recommandations pour les entreprises
Après étude de différents modèles nous en sommes arrivés à la conclusion que les collaborations entre exportateurs qui fonctionnaient vérifiaient les conditions suivantes (conditions nécessaires, mais non suffisantes) :

Réussir un groupement entre exportateurs

L’exportation collaborative : Les conditions de succès

Lorsque ces conditions sont remplies, le fonctionnement du groupement est ancré sur de bonnes bases et est en mesure de remplir les objectifs souhaités.
Bien établie, l’exportation collaborative présente au moins quatre bénéfices :

Bénéfices de l'exportation collaborative

L’exportation collaborative présente de sérieux avantages

Recommandations pour les fédérations professionnelles et pôles de compétitivité
Nous pensons que les fédérations professionnelles et pôles de compétitivité ont un rôle de « catalyseur éclairé » à jouer dans la promotion et la mise en place de démarches d’exportation collaborative bien pensées.

Les démarches à suivre concernant l'exportation collaborative

La mise en place d’un groupement d’exportateurs

 

2. Analyse des différents types d’exportation collaborative



a) Le partage d’informations commerciales

Objet
Partant de l’observation que l’une des plus grandes difficultés rencontrées à l’export réside dans la recherche d’informations sur les marchés et concurrents, ainsi que de partenaires commerciaux solides, le programme de ce type de groupement vise à favoriser le partage d’informations de marchés entre pairs et la mise en relation vers des partenaires éprouvés : agents, distributeurs, sociétés de négoces, etc. De même, il vise à partager la connaissance et les opportunités sur les marchés étrangers : tendances, appels d’offre, décisions, mouvements, succès, échecs, etc.

Constitution
Si la confiance entre les participants est essentielle dans tout type de collaboration, son besoin est encore plus prononcé lorsque son objectif est le partage d’information commerciale. Il est en effet nécessaire que les différents participants aient la perception que tout le monde joue le jeu et que la qualité des informations qu’ils se procurent soit au moins équivalente à celle qu’ils partagent. Il est donc primordial que les entreprises qui souhaitent partager des informations commerciales ne soient pas en position de concurrence et de maturité export comparable.

→ Ce type de collaboration réuni idéalement des entreprises non-concurrentes et de maturité assez proche.

Gouvernance
Tout type de gouvernance est envisageable pour ce type de collaboration tant qu’une Autorité est capable de créer et préserver un climat de confiance favorisant les échanges d’informations confidentielles entre pairs.

→ Nous préconisons la signature d’un contrat stipulant clairement les éléments fondamentaux de la collaboration : investissement, rémunération, confidentialité, gouvernance, etc.

Business Model
Ce type d’échange est très peu couteux : des frais liés aux réunions et le cas échéant des achats menés en commun d’études de marché. Il n’a donc pas besoin d’un business model très sophistiqué.
Les revenus de type de groupement peut être une somme fixe payée par chaque entreprise (on prend les coûts de l’année et on divise par le nombre de participants) ou une commission basée sur le chiffre d’affaires généré par les entreprises participantes grâce aux informations échangées via le groupement.
Les informations commerciales étant immatérielles il faut être très précis au départ sur leur rémunération.
On peut envisager :

  1. L’absence de rémunération : toutes les parties reconnaissent la valeur-ajoutée que leur offre la mutualisation des réseaux commerciaux et s’en contentent,
  2. D’une somme forfaitaire fixe symbolique afin de récompenser un « achievement » obtenu grâce aux échanges du groupement, par exemple « 1.000 EUR pour l’apport d’un agent d’un distributeur ou le gain d’un marché ». Cette somme peut être versée soit à celui dont provient l’information soit au groupement soit partagée. Si tout ou partie de la somme est versée au groupement elle peut être réinvestie en achat d’études de marché, ou bien en initiatives de team building (invitation dans un bon restaurant, etc.),
  3. D’un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé grâce aux informations du groupement : nous ne recommandons pas ce business model qui induit des disparités importantes entre participants (car il repose sur un volume de chiffre d’affaires qui peut être significativement différent selon les participants), peut créer des problèmes d’interprétation quant à savoir si une information est ou n’est pas à l’origine d’une affaire.

→ Nous recommandons un business model basé sur une somme forfaitaire fixe et symbolique afin de récompenser la mise en place d’un nouveau partenaire commercial. Cette somme doit être versée pour moitié au groupement et pour moitié à l’entreprise apporteuse de l’affaire.

Facteurs de succès
Le bon fonctionnement de ce type de collaboration réside dans la capacité de ses entreprises à « jouer le jeu » en partageant autant d’information qu’elles n’en reçoivent. Cet équilibre garanti la confiance nécessaire entre les participants et permet de créer un cercle vertueux de partage d’information commerciale.
Le bon fonctionnement d’une collaboration de partage de réseau commercial réside dans la capacité des entreprises à :

  • Se regrouper entre entreprise complémentaires,
  • S’entendre sur la « monétisation » (ou non) de l’apport des uns et des autres,
  • Etablir une gouvernance qui favorise l’échange d’informations commerciales.
Outilex est un groupement d'exportateurs

Outilex, un exemple de l’exportation collaborative

 

b) Le partage d’actions de prospection, promotion et de commercialisation

Objet
Ce type de collaboration consiste à mutualiser les actions de commercialisation : prospection commune, partage de partenaires commerciaux, partage d’information, stratégies marketing et action de promotion communes et distribution commune, etc. Ainsi, cette collaboration est celle qui nécessite le plus haut degré d’engagement entre les participants.

Constitution
Elle réunit généralement des entreprises d’un même secteur d’activité qui commercialisent des produits aux caractéristiques proches et qui donc s’avèrent être généralement concurrentes. Ce groupement doit réunir des entreprises d’une même filière et de même maturité export pour permettre son bon fonctionnement ; elle est plus efficace si elle se constitue en mode PULL autour d’un profil de donneur d’ordre clairement identifié comme le cible du groupement.

Gouvernance
Son cadre légal ne doit pas être nécessairement très strict, et peut très bien prendre la forme d’un accord informel. Mais il existe d’autres solutions :

  1. La rédaction d’un contrat entre les participants définissant clairement les objectifs souhaités, les investissements financiers, etc.
  2. Externaliser la gouvernance à un tiers (par exemple à une Société d’accompagnement à l’international),
  3. La création d’une structure ad-hoc, comme une association loi 1901 ou une société.

→ Nous recommandons soit la gestion par un tiers soit de créer une structure à part entière qui saurait coordonner l’ensemble des actions entreprises en commun, encaisser les participations financières et redistribuer les recettes.

Business Model
Le business plan du groupement doit être rigoureusement établi entre les différents participants afin que chacun y trouve son intérêt : quel est l’investissement initial de prospection doit-il être établi ? Comment est-il financé ? Quelles retombées commerciales peut-on en espérer ? Le groupement perçoit-il une commission sur le chiffre d’affaires de ses membres ?
Nous préconisons une combinaison de deux solutions :

→ Partager de façon équitable (cotisations) le budget de prospection sur 2-3 ans

→ Progressivement remplacer les cotisations par des commissions sur les ventes réalisées

Facteurs de succès
Le bon fonctionnement d’une collaboration de commercialisation réside dans la capacité des entreprises à :

  • Se constituer en mode PULL,
  • Etablir un business model durable, perçu comme juste et efficace par les participants,
  • S’entendre sur la zone géographique à couvrir,
  • S’entendre sur le plan de prospection, promotion, commercialisation
EOC international est un groupement d'exportateurs

EOC International est un exemple de l’exportation collaborative

 

 

3. Comment créer ou rejoindre des initiatives d’exportation collaborative ?


Les Chambres de Commerce, les fédérations professionnelles et les clusters sont des sources intéressantes vers lesquelles se rapprocher pour trouver des groupements existants ou tout autre type de démarche à l’export.
Checklist pour rejoindre un groupement d’exportateurs 

  1. Définissez clairement vos besoins : quelles sont les ressources qui vous font le plus défaut pour développer vos opérations exports ? Humaines ? Informatives ? Financières ? Cherchez-vous à satisfaire un besoin ponctuel ou à long terme ?
  2. Définissez clairement les objectifs du groupement : a-t-il vocation à échanger de l’information commerciale ? A mutualiser les moyens de prospections et de commercialisation Quel est sa limitation territoriale ? Répond-t-il au besoin d’une clientèle cible identifiée (Pull) ?
  3. Sélectionnez les entreprises avec lesquelles vous pouvez vous regrouper : réunissez des entreprises que vous connaissez, concurrentes ou complémentaires, à maturité export comparable ? Adressez le pb des entreprises qui sont implantées dans tout ou partie des pays visés ? Créez du lien avec vos partenaires
  4. Choisissez une gouvernance et un business model adapté : Confirez-vous l’animation de votre groupement à une entreprise tierce ou décidez-vous de la gérer en interne ? Si gérée en interne, par quels moyens ? Réfléchissez également à comment monétiser les apports des uns et des autres et rendre le groupement pérenne.
  5. Déterminer l’impact que ce groupement aura sur votre propre organisation : quelle réorganisation ce groupement implique pour votre société ? Devez-vous délaisser une partie de votre activité commerciale ?
  6. Mettez en place un suivi des performances du groupement : déterminer ce que le groupement apporte à votre société. Vous permet-il d’atteindre vos objectifs initiaux ou de vous en rapprocher ? Quelle est l’efficacité de l’animation mise en place ? Entreprenez tout ce qui peut être réalisé pour optimiser les performances du groupement.

Et surtout : Rapprochez-vous de démarches collaboratives comparables !
Les fédérations professionnelles devraient recenser les initiatives dans ce domaine et demander si elles sont d’accord pour partager leur expérience avec des entrepreneurs qui voudraient créer des groupements.